Marie NDiaye
En famille
2007
Collection de poche double n° 43, 320 pages
ISBN : 9782707320025
8.80 €
* Première publication aux Editions de Minuit en 1991.
Quelle faute Fanny a-t-elle commise ? De quoi est-elle coupable pour être ainsi rejetée par les siens qui ne paraissent pas, eux, la considérer comme des leurs ? D'ailleurs, se nomme-t-elle bien Fanny ? Que reproche-t-on à ses vingt ans ? Des amourettes, des insolences ? D'avoir séduit son cousin Eugène ou d’avoir quitté Georges, son fiancé, « qui lui ressemblait » ? D’avoir traversé quelque crise d’originalité juvénile ; d’être le « mouton noir » qui dérange toute famille ; d’être adoptée, peut-être, ou une « pièce rapportée », comme on dit ? Aucune de ces hypothèses ne paraît se vérifier au fur et à mesure que se développe le récit. Fanny erre de maison en hôtel, du village à Paris, sa valise à la main, du foyer de son père à celui de sa mère, à la recherche de son identité plutôt qu’à celle de « tante Leda », personne ne voulant plus lui ouvrir une porte ni les bras.
En famille - le titre évoque un célèbre roman d’Hector Malot qui fit rêver nos enfances – est la longue quête d’une explication jamais donnée, jamais esquissée, l’expression d’une révolte informulée et réduite à des étonnements, à des humiliations, à des colères baignées dans une étonnante résignation. Fanny traverse des aventures minuscules, sordides et inépuisables, parfois serveuse de hamburgers dans un Fastfood, parfois violentée par un camionneur de rencontre ou bombardée à coups de prunes pourries, toujours traitée par sa « famille » avec un mystérieux et vigilant dédain. On se croirait dans un de ces larmoyants et picaresques romans anglais dont s’enchanta le XVIIIe siècle. Ce prénom, Fanny, rappelle sans doute la Fanny Hill de John Cleland, aux aventures plus décolletées que celles de notre héroïne, et le style même, ce grand ton noble et solennel qu’a choisi l’auteur, accentue à coup sûr l’impression…
Le grand intérêt de ce roman, outre la subtilité de sa narration et la qualité impressionnante de sa forme (Marie NDiaye n’éprouve nul besoin de « réformer » l’orthographe !), c’est de traiter un problème actuel, urgent, grave, dont se détournent prudemment la plupart des écrivains, et de le traiter dans des décors de ce temps. Entreprise très littéraire, En famille est aussi un modèle de réalisme contemporain.
François Nourissier de l'académie Goncourt
Du même auteur
- Quant au riche avenir, 1985
- La Femme changée en bûche, 1989
- En famille, 1991
- Un temps de saison, 1994
- La Sorcière, 1996
- Hilda, 1999
- Rosie Carpe, 2001
- Papa doit manger, 2003
- Les Serpents, 2004
- Tous mes amis, 2004